Devenir une entreprise à mission : les sociétés françaises au tournant de l’engagement sociétal

L'équipe WEMEAN

Afin de renforcer l’engagement des entreprises sur les questions environnementales et sociétales, le statut d’entreprise à mission cherche à redéfinir leur place dans la société. Ce statut, prometteur, commence à faire son chemin dans le monde entrepreneurial, bien que beaucoup craignent un détournement à des fins publicitaires.

L’entreprise française Danone a annoncé le 20 mai 2020 sa volonté de devenir une entreprise à mission. Le géant de l’agroalimentaire devrait donc rejoindre d’ici peu Carrefour, devenant la deuxième entreprise du CAC 40 à acquérir ce statut défini par la loi PACTE de 2019 et qui avait déjà vu plusieurs entreprises adhérer à cette nouvelle initiative, telles que la MAIF en juin 2019.

Après l’entreprise citoyenne des années 1990 et la responsabilité sociale des années 2000, le gouvernement cherche par ce nouveau statut d’entreprise à mission, à redonner un troisième souffle à la mise en valeur de l’engagement sociétal des entreprises, fortement abîmée par les crises sociales de ces dernières années.

L’entreprise à mission : la revalorisation du rôle de l’entreprise dans la société

Dans une société en pleine évolution où les questions sociétales et environnementales ont acquis une dimension particulière, le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (loi PACTE) travaille à redéfinir le rôle de l’entreprise au sein de la société française. Lieux de création et de partage, les entreprises dépassent la recherche du seul profit. Alors que plus de la moitié des français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour le collectif, la loi PACTE encourage celles-ci à mieux prendre en compte cette dimension sociétale grâce à deux mesures.

Dans un premier temps, les entreprises sont invitées à définir leur raison d’être. Objectif fondateur du projet entrepreneurial, la raison d’être questionne la place de l’entreprise et son utilité dans la société actuelle. Sans être un slogan publicitaire ou un positionnement stratégique, la raison d’être est l’inscription de l’objet social de l’entreprise sur le long terme. Appréciée par les plus jeunes, la marque Lego en précisant sa raison d’être a ainsi donné une nouvelle dimension à son utilité sociétale. Son activité première n’est pas en effet d’amuser, mais « d’inspirer et de trouver les constructeurs de demain ». Cherchant à “reconnecter ses communautés avec la nature”, le Groupe Rocher officialise par sa raison d’être ses engagements pour le développement durable. Pris dans le cadre de sa RSE, ces derniers seront même approfondis, le Groupe Rocher devenant une entreprise à mission en décembre 2019.

Étape supplémentaire dans l’engagement sociétal, les entreprises peuvent aussi devenir des sociétés à mission. Ce statut plus contraignant oblige les entreprises à mettre en oeuvre des objectifs sociaux et environnementaux qu’elles définissent par elles-mêmes. Ces objectifs doivent être portés par un comité de mission et leur exécution vérifiée par un organisme tiers indépendant. Actuellement, peu de sociétés françaises ont réussi à obtenir le statut : l’enseigne de grande distribution Carrefour (juin 2019) ainsi que la société biotechnologique Medincell (septembre 2019) notamment.

Raison d’être et entreprise à mission : un coup de communication opportuniste ?

Un an après la loi PACTE, les entreprises adhèrent progressivement aux mesures, un mouvement salué par les salariés. Une étude de l’IFOP en novembre 2019 souligne en effet que 75% des salariés considèrent que la raison d’être de leur entreprise est importante tandis que 77% des interrogés confirment que le rôle entreprise va au-delà de sa seule activité économique.

Dans une société où on cherche à donner un sens éthique à sa consommation (respect de l’environnement, production française,…), devenir une entreprise à mission s’inscrit dans cette logique. À produit égal, un consommateur fera son choix sur le contexte de création et les raisons derrière cette création. Atout supplémentaire pour fidéliser les consommateurs, mettre en valeur publiquement son statut d’entreprise à mission ou sa raison d’être devrait donc attirer une nouvelle clientèle et permettre de gagner des parts de marché.

Après le greenwashing, il sera donc possible de s’attendre à une forme de mission-washing de la part de certaines sociétés qui ne parviendraient pas encore à appréhender l’intérêt du projet dans sa globalité. Cependant, si la démarche est sincère et bien réalisée, il serait injuste de blâmer les entreprises d’espérer un retour commercial, compte tenu de leurs investissements.

Devenir une entreprise à mission, un engagement sociétal profond pour les entreprises

Devenir une entreprise à mission ne peut s’inscrire dans une démarche superficielle car, comme le rappelle Mark Twain : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et celui où vous avez compris pourquoi ». Cela est aussi le cas pour une entreprise, les bénéfices de la démarche dépassant le cadre marketing.

Devenir une entreprise à mission est un projet permettant de déterminer l’apport d’une entreprise à la société. L’intelligence collective doit donc être mise au service de cette réflexion. Impliquer les salariés permettra aussi de renforcer la cohésion du collectif, améliorer la culture d’entreprise et donner un sens plus profond au travail. À travers les différentes étapes pour atteindre ce statut d’entreprise à mission, la société peut enfin renouveler son organisation interne afin de mieux répondre à la raison d’être et les objectifs définis. L’entreprise en sortira grandie, tant sur le plan interne qu’externe.

Devenir une entreprise à mission est aussi un engagement pour l’entreprise à devenir un membre actif dans toutes les strates de la vie française et de ne plus seulement se confiner à l’économie du pays. C’est un moyen de réaffirmer son appartenance, changer son image et par là même, contribuer à améliorer sur le long terme la perception -souvent négative- des entreprises. La réussite d’une communication menée autour d’une raison d’être ou d’un statut d’entreprise à mission réussira donc sur le long terme seulement si le projet à son origine est cohérent et fiable.

C’est dans ce sens que le PDG de Danone, Emmanuel Faber, a déclaré entamer le processus pour évoluer vers une entreprise à mission, un statut entériné ce 26 juin 2020 au cours de l’Assemblée générale des actionnaires. Plus qu’une communication publique bien huilée dans des temps de crise sanitaire, la démarche sociétale de Danone s’inscrit dans un corporate activism déjà bien ancré et une claire vision de l’économie de demain. L’entreprise française travaille en effet en parallèle à obtenir la certification mondiale B corporation, ayant déjà réussi à faire valider 30% de son chiffre d’affaires à travers le monde, soit 17 entités du groupe.

En devenant une entreprise à mission, il n’est plus question de s’inscrire faussement dans l’évolution sociétale française qui cherche à passer d’un capitalisme peu contrôlé à une démarche plus rationnelle et durable. En devenant une entreprise à mission, l’objectif pour l’entreprise concernée est d’accompagner de manière active ce mouvement pour mieux qu’il perdure.

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