Relance économique ou écologie : qui de nous deux ?

L'équipe WEMEAN

Alors que la France et le monde se relèvent fébrilement d’une crise sanitaire sans précédent, difficile de dire qui des enjeux écologiques ou des enjeux économiques, prendra le pas sur l’autre. Pourtant, à vouloir relancer à tout prix une croissance, certes vitale, ne nous condamnons-nous pas au niveau environnemental ?

« Rien ne sera jamais comme avant » : c’est ce qu’annonçait Emmanuel Macron au soir du 12 mars, période de début de crise du coronavirus. Une phrase spectaculaire, au parfum d’inédit, qui laissait espérer le lancement d’une transition écologique enfin concrète au lendemain du confinement.

Depuis, le débat s’est pourtant recentré sur l’importance d’un rebond économique immédiat et durable. Avec 140 milliards d’euros annoncés comme perdus pour l’économie française au 20 avril 2020, le ministre des Finances Bruno Lemaire annonçait devant le Sénat fin avril : « il faudra relancer l’activité économique. Les Français doivent retrouver le goût de la consommation ». Une appétence pour la consommation qui résonne alors comme un déni de la volonté première du chef de l’État ; celle de faire émerger un monde d’après reverdi.

Début mai, dans une lettre ouverte rédigée pour France Inter, l’écrivain Michel Houellebecq alertait : « nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde nouveau ; ce sera le même, en un peu pire ».

I. Une volonté de rebond économique

Vendredi 15 mai, midi, salon de l’Élysée. Attablés aux côtés d’Emmanuel Macron, dix économistes invités par le président en personne sont venus débattre autour du thème : « Penser les conséquences économiques et sociales de la crise ».

Dans la salle, Daniel Cohen, Philippe Aghion ou encore Patrick Artus et sept autres invités : tous définis comme appartenant au courant néolibéraliste, aussi appelé « ultralibéraliste » ; où l’homme serait « l’entrepreneur de lui-même ». Pour de nombreux observateurs, ce repas officialisait alors le choix du président français en faveur du rebond économique, plutôt que de la transition écologique.

Aux quatre coins du monde, les dirigeants des principales puissances semblent eux aussi recourir à de bonnes vieilles recettes pour relancer la consommation : la Chine prépare la construction de centrales à charbon, de son côté les États-unis prévoient un soutien massif destiné au secteur aérien dans leur plan de sauvegarde de l’économie de 2000 milliards de dollars.

Face à cette situation de relance mondiale, le philosophe spécialiste des questions environnementales, Augustin Fragnière, avertit : « La relance économique risque comme souvent de s’accompagner d’un rebond des émissions de CO2 ». Si en 2008 la crise avait tout d’abord entraîné un recul des émissions de gaz à effet de serre, l’année suivante (synonyme de reprise) avait en effet vu apparaître une augmentation importante de la pollution atmosphérique.

Devant cette nouvelle crise économique bien plus profonde, doit-on ainsi craindre une augmentation sans précédent de la pollution ?

Pour Xavier Ragot, directeur de l’Office français des conjonctures économiques (OFCE) interrogé par TV5monde, ce danger semble bien réel : « Cette crise est une mauvaise nouvelle pour la question environnementale. Elle va permettre des tas de pressions pour la remettre en cause. Il y aura également des entreprises qui vont retarder grandement leurs investissements vers la transition énergétique ».

II. Une pandémie comme sirène d’alarme

Cette volonté ultime des dirigeants internationaux de relancer la machine économique mondiale malgré sa pollution, le philosophe André Compte-Sponville la justifie de la façon suivante : « n’oublions pas que grâce à la mondialisation, la pauvreté dans le monde a davantage reculé ces 40 dernières années que ça n’était jamais arrivé depuis que l’humanité existe ».

La crise du coronavirus aura pourtant apporté son lot d’enseignement quant à la nocivité du système économique actuel : si l’on souhaite respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris en 2015, la planète devrait atteindre une baisse des émissions de gaz à effet de serre, similaire à celle enregistrée via la coupure de deux mois de l’économie mondiale due au coronavirus. Soit environ 5 % à 8 %.

Si André Comte-Sponville mentionne à raison les bienfaits de l’économie pour l’Homme, les enjeux climatiques sont autant de préoccupations elles aussi vitales, tant pour l’homme que pour son économie, qui pourrait elle-même subir les conséquences de futures catastrophes environnementales.

III. Vers la nécessité d’une économie verte

Depuis près d’un demi-siècle, l’économie mondiale bouillonne, boostée entre autres par la période des trente glorieuses, puis l’émergence de nouveaux pays en voie de développement comme la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde, ou encore l’Afrique du sud. Si certaines crises économiques (1929, 1973, 2008) ont pu ralentir l’économie mondiale, celle-ci est toujours parvenue à repartir de plus belle. À contrario, la situation climatique, n’a, elle, cessé d’empirer, et seul le climat apparaît alors comme durablement atteint.

Pourtant, au lendemain de la crise du coronavirus, l’économie mondiale et l’écologie se retrouvent désormais sur le même banc consubstantiel des grands blessés de guerre. Tous deux vitaux pour l’Homme, serait-il possible de les associer dans la relance d’une cause commune : celle d’une l’économie verte ?

Pour de nombreux observateurs, cette relance pourrait en effet s’avérer nécessaire, tant pour les concitoyens, que pour les entreprises qui continueraient à créer de la richesse en proposant des innovations et des produits plus respectueux de l’environnement.

À travers la responsabilités sociétales des entreprises (RSE), système qui vise à mettre en place le développement durable dans les entreprises grâce à des décisions vertueuses et économiquement viables, celles-ci pourraient avoir un impact positif sur la société. Une nouvelle politique d’entreprise qui aurait des répercussions sur les fournisseurs, les collaborateurs, mais aussi les clients et donc les actionnaires : une initiative collective au service du collectif.

En ignorant, à l’inverse, la nécessité impérieuse de décisions incontournables pour la protection du climat, les dirigeants mondiaux condamneraient l’équilibre économique utile à la survie de l’Homme. Un équilibre qui risquerait alors de vaciller face à la multiplication de crises sanitaires ou environnementales provoquée par la pollution de ce même système économique.

S’il aura fallu attendre la crise sanitaire du coronavirus pour stopper l’économie mondiale, peut être faudra-t-il attendre une crise environnementale de la même envergure, pour prendre des décisions écologiques concrètes et pouvoir enfin mettre en oeuvre avec conviction le : « rien ne sera jamais plus comme avant ».

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