Les initiatives de solidarité se sont multipliées au cours de ces derniers mois afin de surmonter la crise sanitaire qui touche la France. Les entreprises, porteuses de ce mouvement, ont vu cependant leurs intentions remises en questions par une frange de l’opinion publique.
La pandémie inédite qui touche actuellement le monde entier a obligé de nombreux pays à confiner leur population. Par ce confinement, la crise sanitaire a pris un tournant économique, affectant en particuliers les entreprises. Malgré ces difficultés, de nombreuses sociétés françaises ont décidé de participer bénévolement (ou à prix coûtant) à l’effort commun. Passant de dons matériels à la réorientation de productions, les initiatives entrepreneuriales furent nombreuses afin de venir en aide au personnel soignant et combler les failles mises en lumière par la crise. Pourtant, depuis quelques temps un procès d’intention semble s’élever au sein de l’opinion publique.
Succédant au greenwashing, le coronawashing serait en train de faire son apparition au sein de la société française. Beaucoup s’interrogent en effet sur les réelles motivations derrière ces gestes car les entreprises communiquent sur leurs initiatives, telles que la gratuité de certains services, la mise en place de réseau pour aider les personnes les plus fragilisées ou encore des dons matériels. Alors que les entreprises cherchent une nouvelle fois à démontrer leur engagement sociétal, cette polémique inutile pollue l’espace public. En effet, on reproche régulièrement aux entreprises de ne pas être des acteurs proactifs dans la société, sur les questions sociétales et environnementales. Cependant, lorsqu’elles agissent dans ce sens, leurs intentions sont aussitôt remises en questions.
Cette position paradoxale est-elle le reflet d’une méfiance exacerbée ou d’un jeu de dupe ?
L’engagement sociétal: le cœur de l’entreprise
L’entreprise, de par sa création et son objet, a déjà à ses débuts, un engagement sociétal inné. Une entreprise est en effet créée pour répondre à un besoin exprimé par la société. Par cette action de réponse, elle contribue à la construction sociétale et créée de la richesse pour cette société. Dans cette logique, elle s’adapte aussi régulièrement en fonction de l’évolution des besoins exprimés. L’entreprise est ainsi un vecteur d’évolution pour la société, lui permettant de se développer, de prospérer. Certes, la dimension économique et la nécessité de faire des profits occupent une place importante dans la vie de l’entreprise. C’est cependant pour mieux que cette dernière perdure et puisse apporter tout son potentiel à la société.
Certaines pratiques malheureuses ont aussi pu nuire à l’image des entreprises et mettre dans l’ombre leur rôle premier, leur fonction innée de contribution. Afin de réaffirmer leur engagement sociétal, les entreprises ont donc cherché à accentuer leur participation à la vie du pays. Cet engagement sociétal des entreprises a été accompagné et encouragé par le politique à travers différentes mesures. Après l’entreprise citoyenne des années 1990 pour améliorer la gouvernance en leur sein, la concrétisation de l’engagement sociétal a eu notamment lieu à travers la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Enfin la mise en place de la raison d’être et du statut d’entreprise à mission par la loi PACTE en 2019 invite les entreprises à réfléchir à leur utilité sociale pour qu’elles s’engagent de façon encore plus efficace au service de la société.
Face au coronavirus : un engagement général pour la solidarité
Dans la continuité de l’élan qui s’est mis en place et face aux différents manques qui ont pu se faire ressentir, de nombreuses entreprises ont donc voulu faire preuve de leur engagement sociétal à l’occasion du confinement français.
Parmi les médias, on peut notamment recenser l’impression d’attestations de déplacement (Le Figaro, Courrier Picard), la mise à disponibilité gratuite de contenus pour se cultiver et disposer d’informations fiables, ou encore la mise en place de programmes éducatifs pour les enfants (France 4). Les réseaux sociaux se sont en parallèle mobilisés pour encourager le confinement en créant notamment des évènements virtuels sous le #ensembleàlamaison (Facebook et Instagram). Dans le secteur industriel, plusieurs entreprises, allant du grand groupe à la PME, ont reconverti leurs lignes de production (et de livraisons) pour pallier au manque de masques et de gels hydroalcooliques.
On peut notamment citer le cas de la PME 1083 qui s’est mise à la fabrication de masques à la place de ses jeans ou encore d’Yves Rocher, pour les gels hydroalcooliques. Des entreprises disposant de stocks de masques d’avance ont aussi pu en faire don aux autorités sanitaires tandis les grands groupes français, disposant de moyens conséquents, ont passé des commandes afin d’assurer la livraison de masques en France (LVMH et Bouygues). Parmi d’autres actions notables, Décathlon a fourni ses stocks de masques convertibles en respirateurs tandis que Pernod Ricard a offert 70 000 litres d’alcool pour la production de gels hydroalcooliques. Les restaurateurs et commerces de bouche se sont quant à eux mobilisés pour offrir des repas aux personnels soignants pendant que les enseignes de consommation développaient un service de livraison gratuit pour les personnes âgées.
Le manque d’efficacité d’un coronawashing
L’ensemble de ces gestes témoignent d’un engagement sociétal fort. La cohérence des initiatives avec l’activité première des entreprises souligne aussi que ces actions de solidarité, loin de chercher à créer le buzz par quelques actions extraordinaires, s’inscrivent dans une logique de solidarité naturelle dans des temps incertains. La multiplication de ces initiatives confirme l’absence de visée marketing, les entreprises bénéficiant moins des retombées publiques. Par leur pluralité, ces gestes de solidarité finissent en effet par être « banalisés » par l’opinion publique. Le potentiel individuel en communication publique pour chaque entreprise est donc décroissant à chaque nouvelle initiative. Ces dernières continuent pourtant d’arriver et à perdurer.
Considérant le climat général et la limitation des possibilités de consommation en confinement, il est difficilement envisageable de penser à une hausse des ventes pour une entreprise suite à sa participation au mouvement de solidarité. Il n’y a donc guère de profits pour les dirigeants à faire un geste alors qu’ils se trouvent dans une situation précaire causée par la crise.
Le seul bénéfice marketing qui pourrait être tiré de ces actions de solidarité est l’amélioration sur le long terme de l’image de l’entreprise en France, une perception qui se répercuterait globalement sur l’ensemble des acteurs du monde de l’entreprise, qu’ils aient ou non participé au mouvement. Dans une logique utilitaire, une entreprise aurait donc eu moins d’intérêt à faire un geste de solidarité alors que la situation économique ne leur est pas favorable.
Les entreprises souhaitent et cherchent, de manière active, à faire valoir leur engagement sociétal afin de devenir un nouvel acteur des solidarités en France. Par leurs initiatives lors du confinement, elles ont démontré leur solidarité et leur utilité sociale en aidant la France à éprouver sa résilience. En complément de l’action publique, les entreprises ont fait preuve de leur engagement sociétal et rappelé qu’elles étaient des piliers de la société.Ce mouvement doit donc être encouragé et non suspecté.