#1 Nouvelles Gouvernances : Nature On Board, Interview exclusive

L'équipe WEMEAN

Le 23 septembre dernier, l’entreprise de cosmétique britannique Faith in Nature a nommé la Nature membre de son conseil d’administration. Une première mondiale, révélatrice de la montée en puissance de la gouvernance en tant que champ d’innovation stratégique pour les entreprises qui s’engagent.  

Nature Nouvelles gouvernances

« Nature is the Boss », c’est la philosophie de Faith in Nature depuis sa création en 1974. Se demandant ce que cette devise impliquait vraiment, les dirigeants de l’entreprise en ont conclu que la Nature devait pouvoir faire entendre sa voix et exprimer ses intérêts au même titre que ceux des autres parties prenantes. Membre du Conseil d’administration (Board of directors), « Nature is now really the boss » !

S’appuyant sur l’expertise des avocats de Lawyers for Nature*, collectif engagé pour la reconnaissance des droits de la Nature, l’entreprise a procédé à la modification de ses statuts pour que la Nature devienne l’un de ses administrateurs à part entière.

Dès la prochaine réunion du Board, elle pourra s’exprimer et prendre part au vote. Pour ce faire, un représentant légalement tenu de s’exprimer conformément à ses intérêts sera chargé de porter sa voix : une véritable innovation juridique fondée sur le mécanisme du legal guardianship (tutelle). Le point de vue de la Nature s’impose donc désormais comme un filtre amont pour toute décision stratégique.

Une initiative qui illustre la conviction que nous portons chez WEMEAN : les innovations en matière de gouvernance seront la clé de l’efficacité des transformations à impact !

Pour en savoir plus sur l’initiative de Faith in Nature, retrouvez ci-dessous notre interview exclusive de Simeon Rose et Anne Hopkins, instigateurs de la démarche au sein de Faith in Nature, et Brontie Ansell, professeur de droit à l’Université d’Essex et co-fondatrice de Lawyers for Nature.

*Community Interest Company


Interview exclusive WEMEAN de Simeon Rose & Anne Hopkins (Faith in Nature) et de Brontie Ansell (Lawyers for Nature)

Pourquoi Faith in Nature est-elle allée jusqu’à nommer la Nature membre de son Board ? Pourquoi l’intégrer au sein de cet organe de gouvernance si stratégique ?

Simeon Rose : Tout a commencé avec le constat suivant : alors que toutes les décisions que nous prenons en tant qu’entreprise ont un impact sur la planète, la voix de la Nature est la seule à ne pas être entendue au sein au Board. Même si culturellement, chez Faith in Nature, on considérait déjà la Nature comme le « Boss », on passait nos décisions au filtre du point de vue de la Nature, on essayait d’imaginer, on a fini par se demander si elle l’était vraiment.

Pour qu’elle devienne le Boss, on s’est dit qu’elle devait faire partie intégrante du processus de décision, dès le début, et pas arriver à la fin. Il fallait qu’elle puisse prendre part à la conversation aux côtés des autres membres du Board. L’idée était vraiment de faire de la Nature le Boss, et pas seulement de la sauvegarder. On s’est dit que le meilleur moyen d’y arriver serait de la nommer membre du Board.

Anne Hopkins : Je crois que cette démarche est aussi liée à l’émergence des droits de la Nature [dans le monde]. Cette dynamique nous a frappés, on s’est posé la question naïve de savoir pourquoi est-ce que les droits de la Nature n’étaient pas déjà pris en compte par les entreprises.

Comment est-il possible de nommer la Nature membre du Board de Faith in Nature alors qu’elle n’est pas reconnue comme sujet de droit au Royaume-Uni ?  

Brontie Ansell : D’un point de vue technique, Faith in Nature a nommé Lawyers for Nature, entreprise à but non lucratif, comme membre du Board pour s’exprimer au nom de la Nature. Alors que le gouvernement britannique n’a pas encore reconnu la Nature comme sujet de droit, nous avons donc combiné le droit des sociétés pour nommer Lawyers for Nature comme membre du Board et les principes de gouvernance éthique pour imposer à cette entité le devoir de s’exprimer au nom de la Nature.

La rémunération que Lawyers for Nature percevra en tant qu’intermédiaire de la Nature au sein du Board sera utilisée pour rémunérer les membres du Comité d’experts spécialement créé pour éclairer ses décisions.

Quelle est la composition de ce Comité d’experts ?

Brontie Ansell : Pour l’instant, ce Comité est composé d’un philosophe des droits de la Nature, d’un spécialiste de l’environnement, d’un expert de la gouvernance éthique, d’avocats membres de Lawyers for Nature qui travaillent sur la question de la personnalité juridique [de la Nature], de Paul Powlesland [le co-fondateur de Lawyers for Nature] et moi.

Deux mécanismes de saisine ont été prévus : un mécanisme informel qui permettra à Lawyers for Nature de faire appel au Comité à tout moment pour échanger sur un point, et un mécanisme formel qui permettra au Board de saisir le comité sur une question bien précise, une question de long terme par exemple.

Comment et dans quelle mesure cette décision va-t-elle changer la manière dont Faith in Nature conduit ses activités commerciales ?

Simeon Rose : Pour commencer, je dirais que nous nous attendons à ce que cette décision change les choses ; sinon nous ne l’aurions pas fait. Notre motivation de départ était de permettre à l’entreprise de prendre de meilleures décisions, mieux renseignées, plus responsables [du point de vue de la Nature]. Pour ce faire, nous pensons que la voix de la Nature doit se faire entendre.

Comment cette décision va-t-elle changer les choses ? Elle va changer la manière dont nous prenons nos décisions ; et nous nous attendons à ce que ce soit pour le mieux. Dans quelle mesure ? Nous ne le savons pas encore. 

Anne Hopkins : Je pense que le changement interviendra à deux niveaux, sur un plan culturel et sur un plan pratique. Sur le plan culturel, le simple fait d’avoir annoncé que la Nature avait été nommée membre du Board, et pas simple témoin [du processus décisionnel], constitue un shift, impulse un changement de mentalité chez Faith in Nature.

Sur le plan pratique, cette décision nous permettra de prendre de meilleures décisions car nous serons aidés par des experts. Car même avec toute la bonne volonté du monde, prendre la bonne décision, ce n’est pas toujours simple.

Le fondateur de Patagonia a récemment décidé de faire de la Terre son unique actionnaire en cédant l’entreprise à deux structures juridiques qui seront chargées de financer des actions pour la planète. Pourquoi Faith in Nature n’a-t-elle pas opté pour la démarche choisie par Patagonia ? 

Simeon Rose : La démarche de Patagonia n’était tout simplement pas la nôtre. Nous souhaitions avant tout permettre à la Nature de faire entendre sa voix dans le processus décisionnel de l’entreprise. Notre démarche a aussi cela de positif qu’elle est facilement réplicable par d’autres entreprises. Beaucoup d’entreprises peuvent faire ce que nous avons fait.   

Brontie Ansell : Il y a une différence entre la démarche choisie par Patagonia et notre démarche. Dans le cas de Patagonia, le fondateur a choisi de céder les parts de son entreprise à un trust qui a pour mission de lutter contre le réchauffement climatique. Ce n’est pas la même chose que de donner une voix à la Nature, de l’affirmer comme une personne à part entière. Ce n’est pas radical de transférer ses parts à une entreprise, qui a la personnalité juridique, afin qu’elle les gère selon les objectifs qui lui ont été donnés.

[Ce qui est radical], c’est de donner une voix à la Nature. Pour l’instant, le droit anglais ne reconnaît pas la Nature comme sujet de droit, mais permet à un intermédiaire [personne légale] d’exercer des droits en son nom. De cette façon, il est possible de permettre à la Nature de faire entendre sa voix au sein du Board, qui est l’organe où réside l’essentiel du pouvoir. Permettre à la Nature de se faire entendre au sein de cet organe de gouvernance constitue une innovation majeure.


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